Sélectionner une page

On dit que nombreux sont ceux qui donnent pour recevoir. Je suis de ce nombre. Je donne pour être aimée. Maintenant, je le sais. Je croyais que ma nature était celle d’une femme généreuse, qui donnait sans compter. Je ne compte pas, c’est vrai, mais je souhaite recevoir. De tout mon coeur.

J’aimerais donner pour m’aimer. Et j’aimerais surtout m’aimer sans avoir à donner plus que celui qui reçoit. 

Je donne parce que j’en ai besoin, parce que, sans donner, je n’ai pas de valeur. Alors je donne trop, de donne tout. Je me vide, je me viole.

Je veux sauver, servir. C’est ainsi que je pense avoir de la valeur. C’est seulement ainsi que je ressens ma valeur. Je lance avec tout mon cœur en quête d’amour cette énergie pour qu’elle me revienne en boomerang. C’est l’enfant en moi qui dicte le pas, bien sûr. Celle qui avait un tremblement de terre constant sous les pieds, celle qui risquait de se retrouver abandonnée à tout moment. Seule, sans savoir-faire, sans savoir-être. Celle qui craignait que sa mère ne revienne pas chaque fois qu’elle refermait la porte derrière elle pour aller se chercher un paquet de cigarettes au dépanneur. Celle qui n’était déjà pas assez pour que sa mère revienne.

Quand ai-je perdu ma valeur? Quels regards – de mon père? –  n’ai-je pas su capter, attirer sur moi pour me refléter la richesse de l’être que j’étais, de l’âme que je suis? Qu’est-ce qui m’a permis de croire que je valais si peu? Que je n’étais plus que le manque que ma mère ressentait, que la fracture que mon père transportait en lui?

Comment réparer cette faille qui laisse fuir mon énergie à tout vent? Ma terre a pourtant arrêté de trembler. Pourquoi je ressens toujours son instabilité? Peut-être est-elle rendue trop familière. Je suis une amputée qui ressens toujours la présence de son membre douloureux.

Alors je creuse, je creuse pour refaire la fondation. Les mots que je partage sur cette page sont des pelletées de terre qui me rapprochent du but, du fond, de la racine de mon mal-être. Quand j’y serai, j’irai puiser dans toute la beauté, la richesse qui se trouve en moi pour nourrir et renflouer ce trou. Mes racines pourront se délier et s’émanciper, courir en profondeur et en surface, solidifier ma prise au sol, m’ancrer pour permettre à ma cime de toucher le ciel sans peur des vents forts, des nuages, des orages. Des tremblements de terre. Mes feuilles pousseront et tomberont pour nourrir mon sol. Je serai complète, entière. Et alors, seulement alors, je saurai aimer. Dans le respect, la plénitude.

J’y arrive, une pelletée à la fois. J’y arrive. Attends-moi.